vendredi 11 mars 2016

2.000 ans d'histoire en terre gembloutoise



2.000 ans d’histoire en terre gembloutoise


Des esprits curieux se demandent parfois : à cet endroit, que s’est-il  passé le siècle dernier, il y a 500 ans, mille ans, 2.000…..C’est ce que j’ai cherché à savoir pour la région de Gembloux.

Région abandonnée aux âges de la pierre et du métal, à défaut de conditions favorables à l’habitat et à l’élevage, la terre de Gembloux devient à l’époque romaine, grâce à la construction de la grande chaussée de Bavay à Cologne, un lieu prospère comme en témoignent les nombreux vestiges retrouvés sur son sol. Mais cette relative prospérité dans la région s’éteint bientôt du fait des invasions barbares des IIIe et IVe siècles.

A l’époque franque, l’endroit, presque désert, se repeuple lentement. Au Xe siècle de nombreuses villas existent sur la terre de Gembloux et la fondation, par Saint Guibert, de l’abbaye sera à l’origine d’un essor économique et culturel remarquable.


« Gemmelaus », une station routière sur la chaussée romaine

Gembloux aurait une origine gallo-romaine, c’est ce qu’affirme Jules Feller, linguiste, archéologue et professeur d’Université, qui situe le point de départ du lieu au premier siècle avant notre ère.

L’endroit se trouve en bordure de la grande chaussée romaine qui, de Boulogne à Cologne, par Bavay, Tongres et Maastricht, reliait la Manche au Rhin. Cette voie, sans doute contemporaine de la fondation d’une colonie par l’empereur Claude à Cologne en 50, était d’une grande valeur stratégique, administrative, économique et culturelle.

Pendant les trois premiers siècles, Rome organise ses conquêtes et, sous la protection du limes du Rhin, les populations de la Gaule jouissent d’une paix prolongée, appelée à juste titre « pax romana ». Celle-ci se termine en 235 avec les premières incursions barbares.

En 340, Francs, Alamans et Saxons envahissent la Gaule et y commettent de terribles ravages. Gemmelaus  est détruite. La région est abandonnée par ses habitants.
Vers 355, les romains parviennent à refouler les envahisseurs au-delà du Rhin et la Gaule entière est pacifiée. Mais, vers 407, un flot de Germains franchissent le Rhin et pénètrent en Gaule.
Cette invasion consacre pratiquement la fin de la domination romaine dans nos régions. De même que l’importance du lieu sur la voie romaine.


Les périodes mérovingienne et caroloringienne et la fondation de l’abbaye

L’histoire de ces périodes qui vont du Ve au Xe siècle reste obscure.
Au début du Xe s. Gembloux fait partie de la lotharingie, définitivement rattachée à l’empire germanique en 925 par Henri l’Oiseleur. Il se rattache au spirituel à l’évêché de Liège.

Un document mentionne l’existence, au début du Xe s , de plusieurs villas ou exploitations agricoles dans la région. Le nom même de Gembloux est cité pour la première fois dans une charte du roi Otton datée du 29 septembre 946. Dans ce document, Otton confirme la fondation du monastère de Gembloux par Saint Guibert et sa dotation par Gisèle, aïeule de Guibert. Il lui accorde divers privilèges. Les donations de Guibert et de Gisèle se situent vers 922, date de la fondation de l’abbaye bénédictine.

Gembloux serait vraisemblablement resté un modeste village comme les communes voisines, mais l’abbaye va transformer les conditions d’existence des ses habitants. Par le travail des moines, la terre de Gembloux va s’enrichir et s’étendre. Peu à peu un bourg se forme autour de l’abbaye et, dès 946, jouit de nombreux privilèges propices à son développement économique et culturel.

Au cours du XIe s. Gembloux prospère singulièrement. En 1185, c’est une bourgade, c'est-à-dire une localité dotée de franchises et de libertés ; un oppidum, situé à l’intérieur des remparts de pierres, que défendent des tours et des fossés et que percent quatre grandes portes.

Dès le XIIe s. nos régions virent s’affronter à maintes reprises les armées des comtes de Namur et de Hainaut, des ducs de Brabant et même des princes évêques de Liège. La population subit bien entendu les malheurs que l’on imagine.

Il serait illusoire, dans le cadre restreint de ce rapide survol historique local, de mentionner toutes les vicissitudes que connut la ville et la région durant le moyen-âge et sous l’ancien régime.

Il y eu les guerres, de nombreuses invasions, des incendies (1136, 1156,1185, 1678, 1849), des pillages, des épidémies (le choléra en 1832 et 1866)… Mais ces périodes sombres et troublées furent heureusement entrecoupées de moments de paix et de prospérité.
Pour faire court, on se rappellera quelques grandes étapes historiques auxquelles nos régions furent confrontées et qui eurent un impact plus ou moins fort sur la ville et ses habitants :

La rivalité franco-espagnole (1541- 1557).
Les guerres de religion (1557 - 1598).
L’invasion française (1643 - 1644).
Les guerres de Louis XIV (1667-1678 et 1683-1697).
La guerre de succession d’Autriche (1740-1748).
Reconstruction de l’abbaye (1759-1785) par l’architecte Laurent-Benoît Dewez.
L’occupation française et l’agonie de l’ancien régime (1793).
L’empire français (1795-1814).  Le 1/12/1795, le directoire supprime les ordres et les congrégations religieuses. L’abbaye est supprimée le 11/10/1796.
Le régime hollandais (1815 -1830).

Vers la fin de la période hollandaise des voies de communication routières furent créées, comme la chaussée allant de Saint-Michel au Docq et celle de Wavre à Namur.

Vers 1830, on recensait à Gembloux près de 2.200 habitants. Le bourg proprement dit restait blotti dans la vallée. On cultivait aux alentours du froment, du seigle, de l’épeautre, de l’avoine du lin et du colza. L’élevage s’étendait aux chevaux, aux bêtes à cornes, aux porcs et aux moutons.
L’industrie comptait des ateliers de coutellerie, 2 brasseries, 4 moulins à farine et 3 pressoirs à huile (stordoirs).

Vers 1850, le haras national de Tervueren, créé par ordre de Napoléon, fut transféré, jusqu’en 1864, dans l’ancien quartier abbatial.

En juillet 1860, l’école agricole de Thorout, créée onze ans plus tôt, et fermée en 1859 pour non-renouvellement de bail, est transférée à Gembloux pour former l’institut agricole. Les bâtiments de l’ancienne abbaye (supprimée en 1796) et ses terres sont d’abord loués avant d’être achetés par l’Etat belge en 1881.
Cette école deviendra la faculté des Sciences  agronomiques. Elle se nomme à présent Gembloux Agro-Bio Tech. Cette remarquable institution est l’une des neuf facultés de l’Université de Liège.

La voie de chemin de fer de Bruxelles à Namur fut mise en œuvre en 1851. Le tronçon La Hulpe – Gembloux fut ouvert au service en juin 1855 ; le tronçon Gembloux – Rhisnes trois mois plus tard. Namur fut atteint en avril 1856.

La ligne Ligny – Sauvenière fut mise en service en 1865. Elle fut ensuite étendue vers Fleurus et vers Landen. La ligne Gembloux – Jemeppe-s-Sambre date de 1877.

Dès 1895, des lignes vicinales complétèrent le réseau de transports ferrés en pénétrant davantage dans les campagnes alentours.

Un développement industriel se fait jour:

1867, Camille Descampe crée une distillerie agricole, une fabrique de levure pour la panification et une malterie.
Vers 1870, Max Ledocte établit une sucrerie.
À la même époque, la famille Cassart exploite une fonderie au Coquelet.
1891, Alfred Mélotte produit ses célèbres charrues près de la gare
Plusieurs industriels (les Simal, Legros, Piérard,…) donnent à la coutellerie une nouvelle impulsion. Le commerce est florissant et la part d’exportation importante.

Il résulte de toutes ces innovations une besoin de main d’œuvre qui sera comblé par la venue de nombreux immigrants.
Le recensement de 1910 indique une population de 4.800 habitants.
En 1930, la ville comptait 5.200 habitants. A peine plus en 1947 : 5.350 habitants.

Au cours de XXe s. il y eu, ici comme ailleurs, l’invasion allemande en août 1914 et la guerre jusqu’en novembre 1918.
L’histoire se répète en mai 1940 : la bataille de Gembloux, les 12,13 et 14 mai sera la seule victoire de l’armée française durant la campagne de mai 1940.
La libération intervint en septembre 1944 après une occupation de plus de quatre années et, heureusement, relativement peu de destructions et de victimes civiles.

Ensuite, c’est le retour à la paix ; quelques années d’illusions, des déceptions aussi, un progrès social manifeste, la construction de nombreux logements sociaux, davantage de confort et d’hygiène, l’extension et la création d’établissements scolaires et un développement économique, démographique et immobilier qui se poursuit, voire même s’accélère.
Le nouveau  -et ambitieux-  projet sur l’ancien site d’Eurofonderie, et avant Mélotte, est assez significatif des appétits affairistes en œuvre ces dernières années. (Voir le reportage de Canal Zoom de début mars 2016) sur http://www.canalzoom.com/un-quartier-emblematique-sur-le-site-deurofonderie/

A partir de 1960 on observe aussi le déclin des vieilles industries au profit de nouvelles activités (PME, spin-off,..) qui s’installent dans des zones d’activité dédiées (Sauvenière, Isnes…).
Cette dynamique semble bien s’amplifier.
On notera que suite à la première fusion des communes, à partir du 1er janvier 1965, la nouvelle entité gembloutoise qui s’appellera Gembloux sur Orneau, comptait 10.664 habitants.
Avec l’entrée en vigueur de la seconde fusion, à partir du 1er janvier 1977, l’entité, qui se nommera à nouveau Gembloux, compte alors 17.247 habitants. En 2015, la population dépasse 25.000 habitants.


Observations et perspectives d’avenir

A l’aube d’un troisième millénaire on peut s’interroger sur ce qu’il adviendra de la ville et environs. De nombreux atouts sont dans son jeu. Idéalement située au carrefour de l’Europe, au cœur de la Belgique et sur un axe de développement économique en plein essor (Bruxelles, Wavre, Louvain-la-Neuve, Namur, Marche, Arlon, Luxembourg), la ville semble parée pour le futur.
Ses compétences en matière d’enseignement et de recherches agronomiques sont porteuses d’espoirs et d’avenir. Le projet « Terra » initié par Gembloux Agro-Bio Tech est en voie de réalisation et illustre bien les ambitions locales.

Le nombre d’habitants augmentera vraisemblablement de façon régulière et le développement immobilier  fait peu de doute. Mais les aléas de l’histoire restent inconnus et ils constituent un facteur non négligeable.
http://www.vivreici.be/commune/5030/article/detail_gembloux-enregistre-une-forte-croissance-demographique?id=70513  (reportage Canal Zoom - mars 2016)

On appréciera la remarque de Mme de Staël qui écrivait que l’histoire n’avance pas en ligne droite mais en spirale…et l’on se souviendra que le château de la Tour à Grand-Manil fut, fin du 18e et début du 19e s., la propriété du baron Erik de Staël – Holstein, ambassadeur de Suède à Paris et … époux de Anne - Louise Germaine Necker, écrivaine et philosophe française, qui défraya la chronique de l’époque pour ses démêlés  avec Napoléon et sa liaison orageuse avec Benjamin Constant. L’histoire, la petite et la grande !



Sources consultées :

Le Pays de Gembloux des origines à l’an mille par Jean Martin, éd. Duculot – 1950
Gembloux, la ville et l’abbaye par Joseph Toussaint, éd. de l’Orneau - 1977
Le bassin de l’Orneau par Joseph Toussaint, éd. de l’Orneau - 1975