lundi 30 mai 2016

Le Vieux Bon Dieu de Gembloux



Le Vieux Bon Dieu de Gembloux

Dans le transept de droite de l’église Saint-Guibert, dans la chapelle du Saint Sauveur, se dresse une statue du Sauveur flagellé et couronné d’épines, un manteau rouge sur les épaules, debout, dans l’attitude classique de l’ « Ecce Homo ». Cette statue date du XVIIe siècle mais la dévotion du Vieux Bon Dieu est bien antérieure. Il y avait une plus ancienne statue (XVe s.), nettement plus petite, dans l’attitude du Bon Dieu de Pitié, assis sur une base de colonne, dépouillé de ses vêtements, attendant le crucifiement. Peut-être était-ce celle qui se trouvait dans la niche du grand escalier menant à l’église.

Les origines de la dévotion
C’est à cette statue du XVIIe s.,que l’on vénère encore dans l’église décanale, qu’est attribué le prodige du 8 mars 1653 qui fut à l’origine du succès de cette dévotion. Ce jour là, l’abbé Martin Draeck voulut faire déplacer la statue pour la mettre mieux à l’honneur à un meilleur endroit.

Voici le récit rapporté par l’Abrégé des Merveilles arrivées à Gembloux, 2e édition (1661), préfacé par l’abbé  Martin Draek : « Comme elle fut dressée sur l’autel où on avoit destiné de l’attacher, une quantité de sang commença à en sortir et découler, de quoi surprinz et grandement effrayé se jetèrent tous à genoux, et paraprès le prélat qui en est  témoin oculaire, aussy bien que son professeur et ses trois religieux dit que l’on debvoit remporter l’image au lieu d’où on l’avait prins adjoutant que peut-être Dieu ne vouloit pas qu’elle fut déplacée… ».

 La nouvelle se répandit rapidement, amenant de nombreux curieux et pèlerins. Des guérissons extraordinaires se produisirent autour de la statue. Ces guérissons, dûment contrôlées par des médecins de Louvain, furent déclarées miraculeuses par l’évêque de Namur. Dès lors, la dévotion au Vieux Bon Dieu de Gembloux pris un essor considérable.
Le 6 août 1678 la ville fut complètement dévastée par un terrible incendie. Pas une maison ne resta indemne ; l’église paroissiale, l’église abbatiale, tout le monastère avec sa magnifique bibliothèque  furent anéantis. On ne sauva du désastre que la chapelle, la statue du Sauveur flagellé et une partie des précieux manuscrits.

Le rayonnement géographique
Aux chapelles qui existaient déjà (Thoricourt, Aische-en-Refail,…) vinrent s’ajouter d’autres lieux où le culte se répandit : Beauvechain, Braine-l’Alleud, Ecaussines-Lalaing, Ellezelles, Elouges, Enghien, Gand, Jandrenouille, Leuze, Nil-Saint-Vincent, Ohain, Soignies et jusque dans le nord de la France, Lille et Hasnon où le dernier miracle attribué au Vieux Bon Dieu date de 1957.

Une aubaine pour la ville et l’abbaye
Au milieu des calamités qui assaillent Gembloux à cette époque, cette dévotion nouvelle relève le courage des foules avides de mystérieux, et font de ce lieu durement éprouvé par les guerres un centre de pèlerinage célèbre non seulement en Belgique mais encore en France et en Allemagne, et amène à Gembloux des foules considérables. Au dire d’un contemporain, les prodiges qui se produisaient devant la statue du Sauveur flagellé faisaient du bruit dans toute l’Europe.
La ville et le monastère profitent largement de l’afflux des pèlerins. Grâce aux dons des fidèles, l’abbé M. Draeck put rétablir les finances obérées de l’abbaye.

Les expressions populaires liées à cette dévotion
Dans un recueil de proverbes français du XIXe s., le dictionnaire de Quitard, on retrouve certaines expressions populaires relatives à ce sujet. Pour parler d’une personne mal accoutrée, on disait : « Elle ressemble au Bon Dieu de Gibelou». De quelqu’un qui regardait d’une façon ahurie, on le comparait au Bon Dieu de Giblot. D’une femme habillée avec mauvais goût, on disait en Picardie : «  Elle est comme Notre-Dame ed’ Giblou ». Pour comprendre cette expression il faut savoir que les pauvres gens avaient l’habitude de couvrir la statue de vieux haillons. Ils se reconnaissaient eux-mêmes dans cet accoutrement. Le christ s’étant identifié à eux dans leur misère, ils espéraient pouvoir s’identifier à Lui dans sa gloire.

Aujourd’hui, cette dévotion populaire est bien oubliée; la confiance des gens s’étant déplacée vers le psychiatre, le pharmacien, les assurances sociales…C’est ce qu’observait malicieusement  André Henin qui fut Doyen à Gembloux de 1972 à 1991.




Source :
Feuillet explicatif disponible dans l’église décanale. Texte de A. Henin – édit. Responsable Jean-Louis Cartiaux.



                                        Photo: Jean-Marie Pierret

                                         Photo: Jean-Marie Pierret


Sources:

La ville et le comté de Gembloux- Léon Namêche . Ed. J.Duculot  1964

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