Le Vieux Bon
Dieu de Gembloux
Dans le transept de droite de l’église Saint-Guibert, dans
la chapelle du Saint Sauveur, se dresse une statue du Sauveur flagellé et
couronné d’épines, un manteau rouge sur les épaules, debout, dans l’attitude
classique de l’ « Ecce Homo ». Cette statue date du XVIIe siècle
mais la dévotion du Vieux Bon Dieu est bien antérieure. Il y avait une plus
ancienne statue (XVe s.), nettement plus petite, dans l’attitude du Bon Dieu de
Pitié, assis sur une base de colonne, dépouillé de ses vêtements, attendant le
crucifiement. Peut-être était-ce celle qui se trouvait dans la niche du grand
escalier menant à l’église.
Les origines de la
dévotion
C’est à cette statue du XVIIe s.,que l’on vénère encore
dans l’église décanale, qu’est attribué le prodige du 8 mars 1653 qui fut à
l’origine du succès de cette dévotion. Ce jour là, l’abbé Martin Draeck voulut
faire déplacer la statue pour la mettre mieux à l’honneur à un meilleur
endroit.
Voici le récit rapporté
par l’Abrégé des Merveilles arrivées à
Gembloux, 2e édition (1661), préfacé par l’abbé Martin Draek : « Comme elle fut dressée sur l’autel où on avoit destiné de l’attacher,
une quantité de sang commença à en sortir et découler, de quoi surprinz et
grandement effrayé se jetèrent tous à genoux, et paraprès le prélat qui en est témoin oculaire, aussy bien que son professeur et ses trois religieux dit
que l’on debvoit remporter l’image au lieu d’où on l’avait prins adjoutant que
peut-être Dieu ne vouloit pas qu’elle fut déplacée… ».
La nouvelle se
répandit rapidement, amenant de nombreux curieux et pèlerins. Des guérissons
extraordinaires se produisirent autour de la statue. Ces guérissons, dûment
contrôlées par des médecins de Louvain, furent déclarées miraculeuses par
l’évêque de Namur. Dès lors, la dévotion au Vieux Bon Dieu de Gembloux pris un
essor considérable.
Le 6 août 1678 la ville fut complètement dévastée par un
terrible incendie. Pas une maison ne resta indemne ; l’église paroissiale,
l’église abbatiale, tout le monastère avec sa magnifique bibliothèque furent anéantis. On ne sauva du désastre que
la chapelle, la statue du Sauveur flagellé et une partie des précieux
manuscrits.
Le rayonnement
géographique
Aux chapelles qui existaient déjà (Thoricourt,
Aische-en-Refail,…) vinrent s’ajouter d’autres lieux où le culte se
répandit : Beauvechain, Braine-l’Alleud, Ecaussines-Lalaing, Ellezelles,
Elouges, Enghien, Gand, Jandrenouille, Leuze, Nil-Saint-Vincent, Ohain,
Soignies et jusque dans le nord de la France, Lille et Hasnon où le dernier
miracle attribué au Vieux Bon Dieu date de 1957.
Une aubaine pour la
ville et l’abbaye
Au milieu des calamités qui assaillent Gembloux à cette
époque, cette dévotion nouvelle relève le courage des foules avides de
mystérieux, et font de ce lieu durement éprouvé par les guerres un centre de
pèlerinage célèbre non seulement en Belgique mais encore en France et en Allemagne,
et amène à Gembloux des foules considérables. Au dire d’un contemporain, les
prodiges qui se produisaient devant la statue du Sauveur flagellé faisaient du
bruit dans toute l’Europe.
La ville et le monastère profitent largement de l’afflux des
pèlerins. Grâce aux dons des fidèles, l’abbé M. Draeck put rétablir les
finances obérées de l’abbaye.
Les expressions
populaires liées à cette dévotion
Dans un recueil de proverbes français du XIXe s., le
dictionnaire de Quitard, on retrouve certaines expressions populaires relatives
à ce sujet. Pour parler d’une personne mal accoutrée, on disait :
« Elle ressemble au Bon Dieu de Gibelou». De quelqu’un qui regardait d’une
façon ahurie, on le comparait au Bon Dieu de Giblot. D’une femme habillée avec
mauvais goût, on disait en Picardie : « Elle est comme Notre-Dame
ed’ Giblou ». Pour comprendre cette expression il faut savoir que les
pauvres gens avaient l’habitude de couvrir la statue de vieux haillons. Ils se
reconnaissaient eux-mêmes dans cet accoutrement. Le christ s’étant identifié à
eux dans leur misère, ils espéraient pouvoir s’identifier à Lui dans sa gloire.
Aujourd’hui, cette dévotion populaire est bien oubliée; la
confiance des gens s’étant déplacée vers le psychiatre, le pharmacien, les
assurances sociales…C’est ce qu’observait malicieusement André Henin qui fut Doyen à Gembloux de 1972 à
1991.
Source :
Feuillet explicatif disponible dans l’église décanale. Texte
de A. Henin – édit. Responsable Jean-Louis Cartiaux.
Photo: Jean-Marie Pierret
Photo: Jean-Marie Pierret
Sources:
Photo: Jean-Marie Pierret
Photo: Jean-Marie Pierret
La ville et le comté de Gembloux- Léon Namêche . Ed. J.Duculot
1964
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