Imprimerie et éditions Jules Duculot
Vers le milieu du siècle dernier - il y a environ soixante ans d’ici – le vocable « Gembloux » évoquait fièrement, en Belgique, mais aussi bien au-delà de ses frontières, des noms prestigieux tels que : charrues Mélotte, Institut agronomique, Manufacture, coutellerie et … imprimerie Duculot.
Jules Duculot est né à Aisemont le 5 mai 1895. Maître-imprimeur, il se lance dans l’édition dès 1913.
A partir de 1919 il s’installe à Gembloux pour se rapprocher des Facultés agronomiques qui lui assurent du travail par la publication de thèses et autres monographies scientifiques spécialisées.
L’éditeur reste imprimeur car les deux métiers sont complémentaires. Mais jusque là aucun ouvrage ne s’impose véritablement comme succès de librairie. Ses fils le secondent dans sa tâche et prendront ensuite la direction de l’entreprise jusqu’en 1958.
En 1921, le parc de machines s’agrandit et les ateliers devenus trop exigus sont transférés dans une ancienne école, rue Pierquin.
En 1935, adonné à des feuilles publicitaires locales et des thèses confidentielles, J. Duculot n'était guère connu que de quelques savants auteurs qu'il aimait inviter à sa table.
"Le bon usage du français" qui fit la gloire de Maurice Grevisse fut d'abord refusé par une douzaine d'éditeurs. Mais il a bâti la fortune de celui qui accepta de le publier en 1936 : J. Duculot, convaincu par Fernand Desonay qui faisait éditer un "Antoine de La Sale" chez le petit éditeur gembloutois et qui accepta de cautionner cet ouvrage. Le manuscrit volumineux, entièrement écrit au crayon pour faciliter les gommages, imitait à s'y méprendre le romain, l'italique, la grasse. Il reproduisait les différentes forces de corps, tant et si bien que les dispositions typographiques sautaient à l'oeil, dès la première lecture. Quelques mois plus tard, une "brique" de 704 pages atterrissait chez les libraires.
Dans le sillage de ce livre, s'est dévelopée une industrie du livre qui fait désormais de Duculot un éditeur avec lequel il va falloir compter.
Dans les années cinquante, à l'étroit encore une fois dans ses murs, la superficie de l'entreprise sera plus que doublée par l'achat de propriétés voisines et la construction de nouveaux bâtimenrs. En 1953, la société familiale adapte sa structure à son évolution et devient Société Anonyme au capital de 10.000.000 de francs. Elle sera désormais divisée en trois branches: l’édition, l’imprimerie et l’administration. Les éditions Duculot avaient une succursale à Paris et étaient alors connues dans le monde entier.
En décembre 1957, Hubert Duculot qui venait de reprendre la direction des Editions J. Duculot à la mort de son frère quatre mois auparavant décède, à Saint-Denis Bovesse, dans un accident de la route.
La production se diversifie et le chiffre d'affaires du département édition, qui était de dix millions en 1963, avoisine les 30 millions en 1971, bien que les prix n'aient augmenté que de 20% en sept ans.Dans les années soixante Duculot crée une collection Grevisse axée sur les spécificités de la langue française.
Duculot éditera et imprimera également des ouvrages pour la jeunesse, des manuels scolaires, de la littérature régionale, des publications historiques, etc…
On se souviendra aussi que la famille exploitait une papeterie chic dans la rue Léopold, là où se trouvait, dans les années 80, la superette "Au Poids d'Or".
En 1972, nouvelle orientation de la firme qui acquiert un terrain d’un hectare dans le zoning industriel de Sauvenière et y construit en quelque 125 jours ouvrables un bâtiment industriel de 2.800 m2 au sol.
En novembre 1980, décès de Lucien Duculot à 52 ans, fils de Jules Duculot, directeur de la SPRL Duculot et administrateur des Editions J. Duculot depuis la mort de son père. Homme chaleureux et très cultivé, il vécut avec passion l'élaboration des divers contrats avec le grammairien Maurice Grevisse.
Le 24 mars 1986 un important incendie dévaste l’entreprise gembloutoise. Les dégâts sont très importants : 700.000 livres brûlés, 5 presses détruites, le matériel des clavistes et des relieurs hors d’usage, 25 personnes au chômage. C’est le triste bilan d’un cambriolage mené par cinq individus qui furent interpellés peu après…
Après les ravages causés par l’incendie trois opérations durent être confiées à la sous-traitance : la photogravure, la reliure et le pelliculage.
Le rachat de l’imprimerie, début 89, par Structure Concorde de Jumet et le déménagement un mois plus tard des éditions sur le site de Louvain-la-Neuve démontrent la volonté de relance qui a animé la direction, confirmée par le choix d’investissements importants. L’imprimerie restée à Gembloux a aussi renouvelé son matériel offset et reconstruit le dépôt où sont stockées les collections frappées du label Duculot.
Les activités restantes à Gembloux consistaient essentiellement dans la composition, la mise en page et l’impression de textes fournis par le client. Les produits sont très variés : ouvrages de linguistique, de vulgarisation religieuse, d’histoire régionale, de littérature pour la jeunesse lancés par la « maison-tante », les éditions Duculot, mais également une gamme très large de travaux pour des institutions universitaires, des organisations internationales, l’Académie Royale de Belgique, la Commission Royale d’Histoire de Belgique, « La Revue Nouvelle », etc.
Au total, plus de deux millions d’ouvrages par an, ce qui représente environ 190 millions de pages. Quand bien même toutes ces réalisations connaissent une diffusion internationale, la clientèle reste essentiellement belge et francophone.
L’imprimerie vendait essentiellement un savoir faire fondé sur une technologie performante et sur un personnel hautement qualifié : composeurs, metteurs en page, conducteurs de presse ; ce derniers étant de plus en plus difficiles à trouver, étaient formés sur place en collaboration avec le FOREM. En 1990, le site de Gembloux employait 30 personnes : 23 ouvriers et 7 employés.
Mais bientôt, depuis le siège de Louvain-la-Neuve, l’entreprise peine à faire face à la concurrence. En 1993, en proie à des difficultés financières, Duculot revend à De Boeck et Casterman son catalogue riche de plus de 500 titres. C’est la fin d’une belle aventure à Gembloux.
Jules Duculot s’est éteint le 11 septembre 1981 à Fosses-la-Ville.
Sources : La Wallonie, le Pays et les hommes – institut Jules Destrée – Paul Delforge
CEDEG (Cellule pour l’Emploi) -1990-.
Le Soir, 22 juin 1993.
Pourquoi pas ? du 2/09/1971 (s) Jean Vigneaux.
Suiv. r/c/a 08/2019
Le magasin, situé rue Léopold (1959).
Photos aimablement fournies par Jean-Marc GILLES
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